Je me retrouvais au bord d’un précipice. Aucune autre issue. La pluie s’abattait sur moi, inexorablement. Quand il y eut un bruit, comme le froissement d’une plume. Je levais les yeux et j’aperçus, sous les reflets de la Lune, un aigle. Le rapace déploya ses ailes, s’étira étrangement pour prendre forme humaine. Lilith, qui avait suivi les vibrations de l’air jusqu’à moi, se posa sur le sol. Ses vêtements de soie étaient en lambeaux, battant au vent. Mais sa volonté de me voir périr était intacte. Elle avança vers moi.
* * *
Un bruit de course. Marguerite déboula de derrière les cyprès. Et se figea. Un regard à l’Egyptienne, puis, celui-ci se posa sur moi, comme une caresse. Elle baissa les yeux : elle avait compris ! L’heure était venue. Lilith se tourna vers la jeune bonne aux yeux verts. Elle leva brusquement une main et fit tournoyer cette dernière dans les airs. Je vis alors Marguerite projetait ses deux bras en avant. L’air autour de nous semblait avoir pris corps, se matérialisant entre les deux femmes. Un tube d’énergie tourbillonnait entre leurs bras tendus, elles luttaient pour le maintenir actif. Le vent se leva, soulevant la poussière et mes jupes. Je me mis soudain à crier :
« Cours, cours laisse-moi… Cours et emporte Eva loin d’ici ! »
Une lumière intense jaillit des mains de Marguerite. La lueur enfla jusqu’à exploser, dans un vacarme assourdissant. Puis le vent retomba.
Lilith se tourna vers moi, triomphante.
« Tu auras beau tenter de protéger ta descendance. Cette tentative est vouée à l’échec. » Le menton baissé vers sa poitrine haletante de plaisir, Lilith avançait lentement, les yeux rivés sur moi, l’air menaçant d’une panthère traquant sa proie.
« La protéger, je l’ai fait. Et ce, pour les siècles à venir.
-Quoi ? Que me caches-tu ?
-Rien, bien au contraire. (Je lui souris.) Maintenant… Je suis à toi, Lilith ! Toute à toi. »
Lilith voulut forcer mon esprit. Je bondis en avant. D’un revers de la main, l’Egyptienne m’écarta. Elle avança sur moi. Toujours au sol, je rampais pour m’éloigner d’elle. Je réussis à me redresser lui faisant face. Elle détestait qu’on lui tienne tête. Je jubilais.
Je plongeai mon regard dans le sien. Trop sûre de moi, Elle pénétra mon esprit.
« C’est donc c’là !
-Je pars maintenant rassurée. »
J’écartai les bras et reculai. Un pas, puis deux. La terre n’offrait plus de résistance à mon talon. J’entendis d’ailleurs le roulis des pierres. L’appel du vide. Je fermais les yeux et, dans un dernier souffle, prononcer le nom de Declan et d’Eva. Et je me laissai basculer en arrière.
